43, rue Vieille du Temple
« Il n'avaient aucune famille, c'était nous leur famille, uniquement. »
Paris, 1942. Trois familles juives – les Sebbane, les Polakiewicz et les Zonszajn – habitent au 43, rue Vieille du Temple, dans le 4ème arrondissement de Paris, au coeur d'un quartier juif animé où vivent principalement des immigrants d'Europe de l'Est.
Le 16 juillet 1942, lors de la rafle tristement célèbre du Vél' d'Hiv, de nombreux Juifs du quartier sont arrêtés. Les familles Polakiewicz et Zonszajn en font partie. Un policier compréhensif offre aux enfants Polakiewicz la possibilité de s'enfuir mais ils ne peuvent se résigner à quitter leurs parents. Les noms des membres de la famille Sebbane, quant à eux, ne figurent pas sur les listes des Juifs à arrêter, peut-être du fait de leur origine française.
Après la rafle, n'ayant personne vers qui se tourner, les Polakiewicz et les Zonszajn écrivent à madame Sebbane pour lui raconter leur calvaire et lui demander de l'aide. Les enfants Zonszajn sont séparés de leur mère à Pithiviers, puis déportés, seuls, à Auschwitz. Le jeune Jackie, 10 ans, écrit lui aussi à madame Sebbane, décrivant son calvaire avec force détails et fournissant ce faisant un témoignage rare. Celui d'un des enfants déportés de France.
L'exposition retrace, à l'aide de témoignages, de photographies et des lettres adressées à madame Sebbane par ses voisins, la destinée des trois familles à partir de cette tragique journée du mois de juillet 1942.
« Il n'avaient aucune famille, c'était nous leur famille, uniquement. »
« Je ne fais que pleurer, je ne crois pas que ça me serve à quelque chose, mais c'est plus fort que moi »
« ce n'est pas possible qu'une chose aussi horrible nous est [sic] arrivée et pourtant c'est la triste vérité »
« Pendant le trajet, on nous à jetté [sic] du pain dans l'autobus. »
« Nous sommes en une triste situation. Maman, madame Wartski sont envoyé [sic] dans une destination inconnue… »
Entre 1880 et 1939, quelque 110 000 immigrants juifs d'Europe centrale et orientale arrivent à Paris en quête de meilleures conditions de vie. Une grande partie d'entre eux s'établissent dans le quatrième arrondissement (aussi connu sous le nom de Marais) où ils ont des parents, des amis et un semblant de vie juive. Les immigrants juifs vivent essentiellement dans les rues très fréquentées situées autour de ce qu'on appelle le « Pletzl » (petite place en yiddish) : rue des Rosiers, rue des Écouffes et rue Pavée. Créativité, culture, religion et tradition, vie sociale et politique alimentent le quotidien du quartier. Les syndicats juifs sont particulièrement actifs au sein de cette population qui comprend des milliers de petits artisans travaillant principalement dans le secteur du textile.
Le sort des enfants juifs en France pendant la Shoah : un bref aperçu historique par Serge Klarsfeld