« Nous sommes entrés dans une nouvelle vie et il est impossible d'imaginer la panique qui s’est emparée du quartier juif. Nous nous sommes soudain retrouvés parqués de toutes parts. Nous sommes isolés et séparés du reste du monde et de tout ce qu'il renferme, expulsés de la société de la race humaine. »
Chaim Aharon Kaplan, Chronique d’une agonie (1999), p. 225
Le 21 septembre 1939, Reinhard Heydrich, chef du Bureau central de la sécurité du Reich (RSHA) au sein de la SS, expédie une directive (Schnellbrief), exposant quelles procédures et quel traitement appliquer aux Juifs dans les régions occupées de Pologne. D’après celle-ci, les Juifs qui résident dans les villages et les petites villes doivent être transférés auprès des communautés juives plus nombreuses des grandes villes et des Conseils juifs ou « Judenräte » doivent être créés pour exécuter les ordres des autorités allemandes. Cette Schnellbrief définit l'aryanisation des usines juives comme un objectif, en prenant en considération les besoins de l’armée allemande et l’importance des usines pour l’économie du pays. Les Juifs sont généralement logés dans les quartiers les plus pauvres et ces secteurs sont finalement transformés en ghettos clos où la majorité des Juifs de Pologne sont internés. Un immense ghetto hermétiquement fermé est établi à Lodz au printemps 1940. Le ghetto le plus grand est créé à Varsovie durant l’automne 1940. Près d'un demi-million de Juifs y seront enfermés.
Après les premiers massacres, qui débutent en juin 1941 dans les zones de l'Union soviétique occupées par les Allemands, des ghettos sont également établis dans ces régions, bien que les Allemands n'aient l’intention d'y maintenir les Juifs que pour un court laps de temps avant de les assassiner. Le plus grand de ces ghettos est établi à Minsk en Biélorussie et abrite près de 100 000 Juifs. Les Allemands occupent la Hongrie en mars 1944 et la déportation des Juifs hongrois à destination d’Auschwitz commence au mois de mai. En novembre, les Allemands décrètent la création d’un ghetto à Budapest et près de 70 000 Juifs de la ville y sont enfermés. Au total, ils établiront plus de 1 000 ghettos en Europe de l'Est, ainsi que quelques ghettos en Europe centrale et méridionale.
En créant ces ghettos, les autorités allemandes réalisent plusieurs objectifs : elles concentrent un nombre élevé de Juifs sous étroite surveillance et dans des conditions de surpeuplement terribles, elles les dépossèdent de leurs biens, exploitent leur force de travail, les isolent du reste du monde – les rendant de ce fait vulnérables et désemparés dans les moments cruciaux – et elles attisent la haine que les populations locales éprouvent déjà à leur égard.