Maisons d'enfants en France durant la Shoah

La maison d'enfants de Chamonix

Présentation

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La maison d'enfants de Chamonix offrit un abri sûr à des dizaines d'enfants, juifs pour la plupart, de la fin de l'année 1942 jusqu'à la libération de la France au cours de l'été 1944. La maison est établie par Juliette Vidal et Marinette Guy, qui seront reconnues par la suite comme Juste des nations, avec l'aide des Eclaireurs Israélites de France (EIF) et de l'OSE. Les deux femmes étaient actives au sein du mouvement des Scouts de France. Durant la guerre, elles animent un dispensaire (L'Aide aux mères) pour les mères et leurs enfants à Saint Etienne et sont en contact avec les Eclaireurs Israélites de France et leur organisme de secours clandestin, la Sixième, mis en place par Robert Gamzon. Vidal et Guy transforment par la suite le dispensaire en centre de soutien pour les membres de la Sixième et pour l'OSE et participent au sauvetage des enfants juifs et de leurs parents.

Durant l'été 1942, Vidal et Guy organisent un camp d'été pour des enfants juifs et chrétiens dans un chalet à Chamonix. Apprenant que la plupart des enfants juifs ont perdu leurs parents dans les déportations, Vidal et Guy transforment le chalet en une maison d'enfants dont Mirelle Levy prend la direction. La maison d'enfants, qui a officiellement pour but d'offrir un abri sûr à des enfants ayant besoin de vacances loin des dangers de leurs lieux de résidence habituels, déménage dans les locaux de l'Hôtel de la paix à Chamonix.

La plupart des membres du personnel de la maison d'enfants sont juifs. Parmi les membres non juifs du personnel, figure sœur Claire Barwitzki, une chrétienne allemande anti-nazie, qui prend la responsabilité des garçons. Elle sera reconnue comme Juste parmi les nations par la suite. En octobre 1943, deux sœurs, Anna et Fella Schmidt, arrivent à Chamonix pour s’occuper des enfants, à la demande de Vidal et de Guy. Les deux sœurs, nées en Pologne, ont quitté la Belgique pour la France et sont en lien avec les Eclaireurs Israélites. A l'arrivée d'Anna et de Fella, la maison abrite 37 enfants juifs et 5 enfants chrétiens.

Les enfants juifs ont entre 3 et 14 ans. Ils reçoivent des noms français, Levy par exemple devient Laroche. Les plus âgés fréquentent l'école de Chamonix sous de fausses identités. Les Eclaireurs Israélites aident Vidal et Guy à fabriquer de faux papiers pour les enfants. On raconte aux locaux que les parents des enfants sont athées, expliquant ainsi pourquoi les enfants ne participent pas aux offices religieux chrétiens et ne se rendent pas à l'église.  La maison d'enfants sert également de couverture à certaines activités de la Résistance. De faux papiers et tickets de rationnement y sont fabriqués avant d'être distribués aux résistants.

Sous la supervision de Vidal et de Guy, les enfants préservent leur identité juive. Le vendredi soir, veille du Shabbat, ils sont séparés des enfants chrétiens, allument les bougies du Shabbat, chantent des cantiques et étudient le judaïsme. Vidal et Guy attendent des membres du personnel, dans la mesure du possible, qu'ils observent les fêtes juives et elles apportent à la maison des livres contenant les textes des prières pour les fêtes, que les éducateurs dissimulent dans la cave à charbon. Pour Hanoukka, ils allument les bougies sur un candélabre à neuf branches improvisé, fabriqué par le mari de la cuisinière. Vidal et Guy célèbrent la fête des lumières avec les enfants et leur offrent des cadeaux.

L'évacuation des enfants de la maison débute au printemps 1944. Un groupe d'une dizaine d'enfants entre clandestinement en Espagne et gagne ensuite la Terre d'Israël. Le 27 août 1944, deux jours après la libération de Paris, les maquisards libèrent Chamonix.

« A la Libération, nous avons ramené les enfants à Saint Etienne en car et avons attendu de savoir qui ils allaient retrouver. Ça a été un moment très triste… comme très peu d'entre eux retrouvaient leur famille. » Marinette Guy

Après la guerre, Vidal et Guy dirigent à Saint Etienne, sous la supervision de l'OSE, une maison d'enfants dans laquelle elles prennent soin d'une cinquantaine d'enfants. En 1947, les derniers enfants quittent la maison. Certains restent en France mais la plupart partent pour la Terre d'Israël.