L'inauguration de l'Allée des Justes parmi les Nations
« De petites gouttes d'amour dans un océan de poison »
L'Allée des Justes parmi les Nations est inaugurée à l'occasion de la Journée du souvenir de la Shoah, le 1er mai 1962. Le gouvernement israélien est représenté par Golda Meir, alors ministre des Affaires étrangères et les onze premiers arbres sont plantés le long de l'allée menant à la Crypte du souvenir, sur la colline dénudée du Mont du souvenir. Les arbres sont mis en terre par des sauveteurs venus de différents pays et par les Juifs qu'ils ont sauvés et qui sont devenus leurs hôtes en Israël.
Dans son discours, Golda Meir déclare que « le peuple juif se souvient non seulement des méchants, mais aussi de chaque petit détail des entreprises de sauvetage ». Elle compare les Justes parmi les Nations à de petites gouttes d'amour dans un océan de poison et ajoute qu'« ils ont non seulement sauvé des Juifs, mais aussi, ce faisant, restauré l'espoir et la foi en l'esprit humain ».
Les premiers arbres – 1er mai 1962
Les premiers arbres sont plantés avant la création de la Commission de désignation des Justes au début de l'année 1963.
Durant l'occupation allemande, Maria Babich vient en aide à des Juifs enfermés dans le ghetto de Równe (actuelle Rivne) en Volhynie. Babich héberge aussi un bébé juif qu'elle élèvera durant quatre ans, pourvoyant à tous ses besoins. La mère du bébé, Mina Osipow, périt au cours de l'Aktion du 6 novembre 1941, mais son père, Itzhak Osipow, qui sert dans les rangs de l'Armée rouge, retourne à Równe après la guerre et retrouve sa fille Irit en vie, grâce à Babich. Irit est la seule survivante de la famille Osipow élargie. Babich devient membre à part entière de la famille Osipow et émigre avec eux en Israël. Yad Vashem ayant reconnu tout ce que Babich a accompli pendant la guerre, elle sera l'une des premières à planter un arbre dans l'Allée des Justes parmi les Nations. A sa mort en1971, Babich sera inhumée dans le cimetière du couvent de moniales orthodoxes russes situé à Ein Kerem, Jérusalem.
Le 30 mai 1978, Yad Vashem reconnaîtra Maria Babich comme Juste parmi les Nations.
En 1939, suite à l’annexion de Lviv par les Soviétiques, Maria Charaszkiewicz déménage à Varsovie, où elle prend la décision d’essayer de soulager la détresse des Juifs. Après la création du ghetto de Varsovie, Charaszkiewicz, arborant un brassard orné de l'étoile de David, y fait entrer clandestinement des vivres et les distribue aux nécessiteux. En 1941, après la prise de Lviv par les Allemands, Charaszkiewicz retourne dans sa ville natale pour aider des amis juifs persécutés par les Allemands et les nationalistes ukrainiens. Prenant des risques considérables pour elle-même, Charaszkiewicz parvient, avec l’aide d’une une amie ukrainienne, à sauver les deux filles de ses amis Janek et Cesia Lewin, en leur procurant des papiers d'identité « aryens » et en leur trouvant un abri à l'extérieur de la ville. Charaszkiewicz trouve également pour les parents des filles, un abri clandestin dans Varsovie, dans lequel ils passeront le reste de la guerre sous une fausse identité. En 1942, au cours d’une des plus grandes Aktionen organisées dans le ghetto de Lviv, Charaszkiewicz réussit à en faire sortir Kamilia Landau, une dentiste avec qui elle a étudié. Après avoir obtenu pour elle des papiers d'identité « aryens », Charaszkiewicz l'emmène chez sa sœur à Grodek Jagiellonski. Lorsque les voisins de sa sœur commencent à devenir méfiants, Charaszkiewicz ramène Landau avec elle à Lviv, où elle restera jusqu'à la libération de la région par l'Armée rouge en juillet 1944. Se laissant guider par sa compassion et sa loyauté à l'égard des Juifs, Charaszkiewicz risquera sa vie pour eux et triomphera ainsi de l'adversité.
Le 26 juin 1976, Yad Vashem reconnaîtra Maria Charaszkiewicz comme Juste parmi les Nations.
Paul et Jeanne Duysenx vivent à Bruxelles, avec leur fille Marie-Thérèse, journaliste à La Défense sociale. Lorsque Marie-Thérèse apprend en 1942 qu'un jeune homme de dix-neuf ans qu'elle connaît, Benjamin Helman, cherche un endroit où se cacher, elle contacte ses parents, qui acceptent de l’héberger pour quelques jours en sachant qu'il est juif. Ces quelques jours se prolongeront pendant deux années et demie. Les parents de Benjamin, Josef et Channa (née Kubovski) et sa petite sœur Gitta, âgée de cinq ans, qui se cachent chez une famille qui les force à partir après avoir changé d'avis, seront déportés dans un camp de concentration et assassinés. Cachée ailleurs, Gdula, la sœur aînée de Benjamin, survivra.
Durant son séjour chez les Duysenx, Benjamin, muni d'une fausse carte d'identité, travaille d'abord comme assistant chez un dentiste. Lorsqu'il devient trop risqué de s'aventurer à l'extérieur, il cesse presque totalement de sortir et passe le plus clair de son temps à l'arrière de la boutique dont Paul est propriétaire. Paul est graphiste et spécialisé dans la restauration de tableaux anciens. Réputé à Bruxelles, il compte même parmi sa clientèle quelques officiers de la Gestapo. Benjamin aide à tenir la boutique et sert les nazis qui, prétendant vouloir réaliser une bonne affaire, exercent en fait un véritable chantage pour obtenir un prix avantageux. Vers la fin de l'année 1943, lorsque la chasse aux Juifs menée par la Gestapo s'intensifie et qu'il devient trop risqué de sortir même occasionnellement, Benjamin se cloître dans sa cachette. Il devient très proche de ses hôtes, qui le traitent comme leur fils, et appelle Paul Duysenx « Papa Paul ». Il n'est question d’aucun arrangement financier et aucune contrepartie particulière ne lui est demandée. La nourriture est également partagée entre tous. Après la guerre, leurs relations resteront très étroites, même lorsque Benjamin partira s'installer en Israël.
Le 24 mai 1977, Yad Vashem reconnaîtra Paul Duysenx et Jeanne Duysenx-Le Jeune, comme Justes parmi les Nations.
Le père d'Ilona Tóth est natif de Hongrie. Lorsque sa fille épouse Benjamin Elias, un Juif grec propriétaire d'un moulin, son père rompt tout contact avec elle. En 1941, la région de la Yougoslavie dans laquelle vivent Ilona et son mari est annexée par la Hongrie. Ilona se porte au secours de réfugiés juifs arrivés d'Autriche et d'Allemagne. Elle aide aussi des Juifs à fuir la Yougoslavie pour la Hongrie et à se cacher. Elemér Neuman, l'un de ceux à qui Ilona sauve alors la vie, témoignera plus tard de la manière dont Ilona l'a aidé à trouver un abri lorsqu'il a fui Belgrade pour Újvidék / Novi Sad (Serbie actuelle). Ilona Elias le conduira ensuite clandestinement jusqu'à Bácstopolya / Bačka Topola (Serbie actuelle) dans le sud de la Hongrie où elle lui trouvera aussi un abri clandestin. Elle porte également secours à d'autres réfugiés juifs en les aidant à trouver du travail ou en leur procurant de la nourriture et des vêtements. Après l'invasion allemande, un grand nombre des Juifs de la région, dont le mari d'Ilona, sont arrêtés. Ils sont envoyés dans un camp de concentration sous contrôle allemand à Bácstopolya. C'est à partir de ce camp que les premiers Juifs hongrois seront déportés en train à Auschwitz le 28 avril 1944. Ilona apporte de la nourriture et des vêtements à son mari ainsi qu'à d'autres prisonniers juifs. Toutes les quelques semaines, les Allemands procèdent à une sélection dans le camp en vue du prochain convoi de Juifs. Lors de l'une de ces sélections, le mari d'Ilona est désigné pour la déportation. Ilona tente de le faire relâcher mais elle est rouée de coups par les gardes. Elle suit le convoi ferroviaire jusqu'à son arrivée dans la ville de Baja, où les Juifs sont internés dans un camp avant leur déportation. Elle soudoie alors un officier et parvient à faire sortir son mari et cinq autres Juifs. L'officier déclarera pour se couvrir qu'il ne s'agit pas de Juifs, mais de prisonniers politiques. Ils seront sauvés tous les six. Après la guerre, Ilona et son mari partent s'installer en Israël, où elle continue à sauver des vies en tant que bénévole auprès de l'organisme de secours d'urgence Magen David Adom. Elle se porte également volontaire pour soutenir les soldats israéliens. Elle expliquera plus tard qu'en tant que chrétienne, elle sentait qu'il était de son devoir d'œuvrer à réparer ce que les nazis faisaient subir aux Juifs.
Le 19 février 1976, Yad Vashem reconnaîtra Ilona Elias (née Tóth) comme Juste parmi les Nations.
Alphonse et Emilie Gonsette et leur fils Émile, originaires de Gosselies au nord de Charleroi, sont membres du réseau de résistance belge MNB. Arrêté par la Gestapo en 1942 avec sept autres étudiants, Émile est abattu à Charleroi. Bien que leur domicile se trouve sous la surveillance constante de la Gestapo, lorsque mademoiselle Dessent, membre de la Résistance, les contacte en 1943 pour leur demander d’accueillir un enfant juif de deux ans dont la mère a été arrêtée, ils n'hésitent pas un instant. Le jeune Simon Weissblum est un enfant chétif, qui devra subir deux opérations au cours de la guerre pendant son séjour chez les Gonsette. Le chirurgien qui l'opère, le docteur Perçoit, refuse d'être rémunéré lorsqu'il apprend que l'enfant est juif et le garde à l'hôpital pendant quinze jours. Simon passera plus d'un an chez les Gonsette qui le traiteront comme leur propre fils, tout en ne cessant de lui montrer la photo de sa mère, afin qu'il ne l'oublie pas. Lorsque sa mère revient le chercher après la guerre, ils l'invitent à demeurer quelques mois dans leur foyer. Après la guerre, les Gonsette déclinent la proposition de compensation financière pour l'hébergement de Simon Weissblum. Ce dernier nommera son fils Émile, en mémoire d’Émile Gonsette, le fils de ses parents adoptifs mort en martyre, et en hommage à ses sauveteurs.
Le 14 novembre 1974, Yad Vashem reconnaîtra Alphonse Gonsette et Émilie Gonsette-Seymers comme Justes parmi les Nations.
Immédiatement après l'occupation de Varsovie par l’armée allemande, le professeur Pawel Horbaczewski est nommé président du Comité de protection sociale, mis en place pour aider les citoyens dont les appartements ont été bombardés. Peu après son entrée en fonction, Horbaczewski commence à aider des étudiants juifs en leur procurant des documents qui leur donnent droit à des repas chauds et leur permettent de se déplacer librement à travers la ville. Après la création du ghetto, Horbaczewski redouble d'efforts, cachant plus de vingt Juifs dans son bureau et livrant des vivres à l'orphelinat de Janusz Korczkak. Après son licenciement en 1942, Horbaczewski loue les locaux de son ancien bureau pour permettre à des Juifs de continuer à s'y cacher. Le professeur Horbaczewski vit dans le ghetto avec son épouse juive, mais il est autorisé à se rendre quotidiennement dans son appartement, situé dans la partie aryenne de la ville, qu’il a transformé en refuge pour les Juifs. En 1943, Horbaczewski et sa femme s'enfuient à Jedrzejow dans la région de Kielce, d'où il demeure contact, malgré la distance, avec ses protégés restés à Varsovie. Après la guerre, le professeur Horbaczewski est nommé membre honoraire du Comité juif de Lodz. En 1950, accusés d'être des espions à la solde d'Israël, les époux Horbaczewski sont arrêtés et condamnés à mort. Après avoir été graciés en 1956, ils émigrent en Israël où ils resteront jusqu'à leurs derniers jours. En unissant sa destinée à celle des Juifs, le professeur Horbaczewski se laissera guider par ses principes, acceptant que ceux-ci l'emportent sur les préoccupations liées à sa sécurité et à sa situation financière.
Le 10 novembre 1964, Yad Vashem reconnaîtra le professeur Pawel Horbaczewski comme Juste parmi les Nations.
En 1939, après l'annexion du district de Lodz par le Reich, les Allemands réquisitionnent la propriété des Kruk dans le village de Kalinow. Peu après le déclenchement de la guerre, Helena, la fille des Kruk, vient séjourner chez son oncle et sa tante à Varsovie, où elle rencontre un certain nombre d'amis juifs de ses parents. Témoin de leur souffrance, avant même leur internement dans le ghetto, Kruk décide de les aider, en leur achetant de la nourriture et en se chargeant de leurs commissions afin de leur épargner les humiliations. Après la fermeture du ghetto, elle parvient à convaincre son oncle et sa tante d'abriter six de ses connaissances, des Juifs qu’elle a fait sortir clandestinement du ghetto en prenant des risques considérables pour sa propre sécurité. Malgré leurs réticences, l'oncle et la tante de Kruk hébergeront finalement dans leur humble demeure quatre membres de la famille Lichtensztajn, les époux Liliental ainsi qu'un ancien juge du nom de Maksymilian Szretter par la suite. Helena se charge de prendre soin des réfugiés et leur trouve d'autres abris quand des extorqueurs et des indicateurs se mettent à les harceler. Lorsque les habitants de Varsovie sont chassés de la ville, suite à l’insurrection de l'été 1944 à Varsovie, Kruk emmène ses protégés avec elle, sans révéler leur identité juive. Après la guerre, Kruk épouse Jakow Korzeniewski, un vétérinaire juif et tous deux émigrent en Israël, où ils prennent le nom de Korazim.
Le 22 décembre 1964, Yad Vashem reconnaîtra Helena Korazim-Korzeniewska (née Kruk) comme Juste parmi les Nations.
Pendant l'occupation, Wladyslaw Kowalski, ingénieur diplômé et colonel dans l'armée polonaise, investit toute son énergie et ses économies dans le sauvetage des Juifs. Ses courageuses activités de sauvetage débutent dès l'été 1940, lorsqu'un enfant juif du nom de Bruno Boral l’accoste dans la rue et lui dit : « Je suis Juif et persécuté. Je n'ai pas mangé depuis trois jours. Je vous en prie, achetez-moi quelque chose à manger ». Kowalski satisfait immédiatement sa demande et s'arrange pour lui trouver un abri chez un ami, lui sauvant ainsi la vie. À partir de cet instant, Kowalski décide de faire du sauvetage des Juifs la mission de sa vie. Il laisse son domicile à Varsovie se transformer en abri pour des réfugiés juifs et s'arrange pour trouver, chez ses proches et ses amis, des abris pour d'autres Juifs. Bravant le danger, il procure des vivres aux réfugiés et pourvoit à leurs besoins jusqu'au déclenchement de l’insurrection de Varsovie en août 1944. Début octobre 1944, le soulèvement est brutalement réprimé et tous les habitants de Varsovie sont contraints de quitter la ville. Kowalski refuse d'abandonner les réfugiés juifs qui se trouvent sous sa protection. Il prépare un bunker au milieu des décombres de Varsovie et y restera avec ses protégés jusqu'à la libération de la région par l'Armée rouge en janvier 1945. Parmi les survivants qui doivent la vie à Kowalski : Lea Buchholz (qu’il épousera par la suite) ; Aron et Helena Bialer ; Mieczyslaw et Barbara Rezyk, et Rachel et Jozef Tulia, que Kowalski a tous fait sortir clandestinement du ghetto puis aidés lorsqu'ils vivaient cachés dans la partie aryenne de la ville. Avant la déportation des derniers Juifs du ghetto vers la ville d'Izbica, dans le comté de Krasnystaw dans le district de Lublin, Kowalski pénètre dans le ghetto au péril de sa vie, parvient à en faire sortir Chaim et Malvina Rozen, leur fille Wanda et la sœur de Rozen, Ada et s'arrange pour les faire abriter chez un ami, leur sauvant ainsi la vie. De septembre 1942 à août 1944, Kowalski cache dans sa cave Aron et Helena Bialer, Golda et Roman Fischer, le frère de Roman, Mordechai, Seweryn et Wanda Waldholer, Mieczyslaw et Barbara Rezyk, David Goldfarb et Bina Bergman. Après la guerre, Kowalski et sa femme Lea émigrent en Israël où Kowalski est traité en héros. La plupart des réfugiés sauvés par Kowalski émigreront en Israël après la guerre. Les autres s'installeront au Canada, aux États-Unis et en Belgique.
Le 4 juin 1963, Yad Vashem reconnaîtra Wladislaw Kowalski comme Juste parmi les Nations.
Originaires de Kovno, David et Chana Buwilski se retrouvent dans le ghetto de Vilnius en 1941 et entreprennent aussitôt de chercher un moyen de s'enfuir vers la partie aryenne de la ville. N'étant pas familiers de la région et n'ayant aucune relation au sein de la population locale, ils cherchent quelqu'un pour les représenter parmi les Juifs des environs. En 1943, peu de temps avant la liquidation définitive du ghetto, grâce à Lipa Sztejnhaer, un ami de Vilnius, les Buwilski parviennent à s'évader et à rejoindre Jan Pietkun, un fonctionnaire polonais prêt à cacher les trois Juifs chez lui. Il les abrite d'abord dans une cachette préparée à leur intention sous son appartement, mais il est vite contraint de les faire déménager, le poste de commandement de l'armée de l'air allemande ayant réquisitionné l'appartement situé au-dessus. Du fait de ces circonstances, Pietkun construit une autre cachette pour les trois fugitifs, dans un bâtiment situé près d'une église où ils resteront cachés pendant presque un an, jusqu'à la libération de la région par l'Armée rouge. Pendant toute cette période, ils couvrent les frais liés à leur entretien et Pietkun subvient à tous leurs besoins. Ils lui versent également une modique somme d’argent au début, pour la préparation de l'abri, mais ce sont des motifs à la fois humanitaires et patriotiques qui conduiront Pietkun à les sauver. Après la guerre, David et Chana Buwilski émigreront en Israël et en 1962, Pietkun, qui a déménagé dans une région située à l'intérieur des nouvelles frontières de la Pologne, viendra leur rendre visite.
Le 28 avril 1970, Yad Vashem reconnaîtra Jan Pietkun comme Juste parmi les Nations.
Les époux Strusinski, originaires de Luck (district de Volhynie), sont issus de l'intelligentsia libérale polonaise. Personnalité notoire à Luck, Zygmunt Strusinski est juriste. Son épouse Wiktoria Strusinska, qui est médecin, travaille durant la guerre dans un hôpital local où elle se lie d’amitié avec Tatiana Goldsztajn, une jeune femme juive elle aussi médecin. Au cours de l'été 1942, le Dr Strusinska avertit Goldsztajn que les Allemands sont sur le point de liquider le ghetto local. Elle supplie Goldsztajn de s'échapper sur-le-champ du ghetto avec son mari Faivel et leur propose de les abriter chez elle. Peu de temps avant la liquidation du ghetto, les Goldsztajn se réfugient chez les Strusinski qui les cachent dans une remise utilisée pour le stockage du bois de chauffage. Ils y sont ensuite rejoints par le Dr. Szneiberg et le Dr. Marek Rubinsztajn et sa femme, qui ont fui le ghetto et erré longuement avant de trouver refuge chez les Strusinski. L’hiver venu, les fugitifs souffrent du froid glacial qui a envahi dans la remise. Bien que conscients du danger que représente le fait de cacher des Juifs, les Strusinski les hébergent tous les cinq à l'intérieur de leur maison avant de leur construire un abri à la cave. Le Dr Strusinska travaillant à l'extérieur, c’est son mari Zygmunt et Irena, sa fille de dix-sept ans, qui se chargent de prendre soin des Juifs clandestins. Le 19 août 1943, les Allemands arrêtent Zygmunt Strusinski en compagnie d'un groupe d'intellectuels polonais et l'exécutent. La responsabilité des fugitifs incombe désormais à Strusinska et à sa fille. La situation financière des Strusinski s’aggrave et tous souffrent de la faim mais l'humanité dont les deux femmes font preuve à l’égard des Juifs qui se trouvent sous leur protection demeure intacte. Elles partagent avec eux les rares vivres qu'elles réussissent à se procurer et déclinent l'offre des fugitifs de les rembourser avec leurs bijoux. Les Strusinska prendront seulement les bijoux en dépôt et les restitueront à leurs propriétaires après la guerre. Les membres de la famille Strusinski, à l’instar de leurs protégés, traverseront beaucoup d'épreuves jusqu'à la Libération au printemps 1944 et leurs actions, complètement désintéressées, seront exclusivement guidées par des motifs humanitaires. Après la guerre, les survivants apporteront leur soutien au Dr Strusinska et l'aideront à trouver un emploi lorsqu’elle émigrera vers l'intérieur de la Pologne. Les Goldsztajn, qui s'installeront en Israël, resteront en contact avec elle et l'inviteront en 1963 à venir séjourner chez eux de façon prolongée.
Le 24 janvier 1967, Yad Vashem reconnaîtra Zygmunt Strusinski et sa femme le Dr Wiktoria Strusinska comme Justes parmi les Nations.
Le 11 octobre 1987, Yad Vashem reconnaîtra leur fille, Irena Bylica-Strusinska, comme Juste parmi les Nations.
Karla Andelová (future KarlaWeiss) est née à Prague. Après avoir achevé ses études secondaires et sa formation professionnelle, elle ouvre un atelier de couture dans sa ville natale. Au début des années trente, Karla rencontre Ferdinand Weiss, natif de Ruthénie subcarpatique et propriétaire d’une cordonnerie orthopédique. Au fil du temps, ils deviennent de proches amis. Après la conquête par l'Allemagne de la République tchécoslovaque, Weiss rejoint Andelová et commence à travailler dans son atelier. En retour, celle-ci vient en aide à Weiss, qui est membre actif de la résistance antinazie, ce qui les conduit à être tous les deux arrêtés. Sur la route qui les conduit vers le centre de détention, Andelová persuade Weiss de déclarer lors de son interrogatoire qu'elle est l'initiatrice de ces activités de résistance et que Weiss n'est qu'un témoin fortuit. Andelová pense qu'en tant que chrétienne, elle n'aura pas à subir des mesures aussi rigoureuses que son ami juif. Ayant accepté la proposition d'Andelová, Weiss est relâché après son interrogatoire. Andelová n'a pas réalisé que le désir de protéger son ami la conduirait à être privée de liberté pendant cinq ans et demi. Elle est incarcérée à la prison politique de Pankrác et condamnée à une peine de prison de trois ans et demi. Au bout de neuf mois à Pankrác, Andelová est transférée à Dresden et de là, à Waldheim. La Gestapo refuse de la relâcher au terme de sa peine et elle est transférée à la petite forteresse de Terezin puis au camp de concentration de Ravensbrück. Elle y retrouve des prisonnières juives de Pankrác qu'elle avait aidées après leur arrestation, ce qui lui vaudra le surnom d'« Andĕlka » – qui signifie ange. Dans le camp, Andelová prend sous son aile un garçon juif dont les parents ont péri. À la fin de la guerre, elle ramènera le jeune garçon avec elle à Prague. Weiss, de son côté, n'a pas pu échapper à la déportation vers les camps de concentration. A la fin de l'année 1941, il est transféré au ghetto de Theresienstadt puis dans des camps de concentration. Il est libéré à Friedland le 6 mai 1945. À la fin de la guerre, Andelová et Weiss rentrent chez eux et se marient. Le couple émigrera en Israël par la suite.
Le 30 mai 1978, Yad Vashem reconnaîtra Karla Andelová-Weiss comme Juste parmi les Nations.
Le fait de planter des arbres revêtait, en Israël, une signification particulière. Cela s'inscrivait dans le cadre des projets de reboisement et de valorisation de la terre entrepris par le Fonds national juif pour le compte du Yichouv (implantation juive ayant précédé la création de l'Etat) et par l'Etat d'Israël ensuite. La plantation de forêts et la création d'un paysage verdoyant dans ce pays aride était une forme d'activité sioniste participant au développement du pays. Dans le cadre de ces campagnes, la plantation d’arbres ou de forêts devint une manière de commémorer des personnes ou des événements. C’est ainsi que la forêt des Martyrs fut plantée dans les années cinquante le long de la route menant à Jérusalem à la mémoire des six millions de Juifs ayant péri durant la Shoah. On fit alors appel à des écoliers pour planter des arbres en hommage aux enfants assassinés. L'idée de planter des arbres à la mémoire des victimes de la Shoah figurait aussi dans les premiers plans élaborés pour Yad Vashem.
En 1955, Rachel Auerbach, une survivante originaire de Varsovie, chargée à Yad Vashem de la collecte de témoignages de survivants, demande à Arie Bauminger, directeur général de Yad Vashem, de proposer au Comité de direction qu'un hommage soit rendu aux sauveteurs et suggère que des arbres soient plantés sur le Mont du souvenir en leur honneur. Kobi Kabalek, qui a effectué des recherches sur l'évolution du programme des Justes, pense que cette idée lui est venue à l’esprit, lorsqu'un an plus tôt, elle était allée représenter Yad Vashem, à la cérémonie organisée à la mémoire de Jop Westerweel, qui avait sauvé des membres du mouvement HeHalutz aux Pays-Bas et avait été exécuté en 1944. La cérémonie avait en effet eu lieu dans une petite forêt plantée en l'honneur de Westerweel.