Prise de conscience de la Shoah au sein de l'opinion publique israélienne et mondiale


Le procès va poser la première pierre d'un long processus de plusieurs années pour conduire à une prise de conscience de la Shoah au sein de l'opinion publique israélienne et mondiale. Il brise le tabou qu'avaient de nombreux Israéliens et Juifs à aborder le sujet. Les témoignages personnels de plus d'une centaine de témoins appelés à raconter leurs expériences de la Shoah ne laissent personne indifférent. Les échos du procès retentissent dans le monde entier, et permettent d'attirer l'attention sur l'existence des rescapés en Israël, dont beaucoup ont hésité à témoigner avant le procès, sentant une réticence et une totale absence d'ouverture chez de nombreux Israéliens nés dans le pays.

Les audiences vont avoir un impact significatif sur les jeunes Israéliens dont l’attitude change à l'égard de la Shoah. Jusqu’alors, pour eux et pour d'autres jeunes Juifs, la Shoah n’était qu’une question lointaine et abstraite. Le procès va constituer une étape importante dans la transmission du génocide juif aux étudiants israéliens et juifs ; un processus qui aboutira dans les années 1980 et 1990 à des visites scolaires en Pologne, sur les sites des anciens ghettos et camps et à l’écriture d’essais par de jeunes auteurs qui s’intéressent désormais à leurs origines. Suite au procès, la Shoah est perçue comme faisant partie intégrante de leur identité en tant qu'Israéliens et Juifs.

Le procès Eichmann a aussi servi de catalyseur pour encourager à la tenue d'autres procès de dirigeants nazis allemands. Le plus important d'entre eux aura été celui des criminels d'Auschwitz, en 1963 à Francfort-sur-le-Main. Avec, pour conséquence directe, la nervosité croissante des autres criminels en fuite, principalement en Amérique du Sud, ce qui va les obliger à prendre des précautions accrues. Au Paraguay, en 1965, après la capture d'Eichmann, le Mossad assassine Herbert Cukors qui a supervisé l’extermination des Juifs de Lettonie. Autre résultat du procès : le coup de projecteur sur d'anciens criminels nazis qui jouent alors un rôle actif au sein de l'administration et la culture dans l'Allemagne d'après-guerre. La tempête autour de Hans Globke et du chancelier Konrad Adenauer, qui a fait rage en Israël et dans le monde occidental, peut être attribuée à cet aspect moral et juridique, de même que la campagne menée par Israël contre les scientifiques allemands qui opèrent alors dans le domaine militaire en Égypte.

Le procès a également donné lieu à une riche littérature. A ce jour, quelque 600 ouvrages ont été publiés dans de nombreuses langues. En outre, 89 films documentaires et 4 longs métrages ont été produits et d'autres sont en préparation. Des poètes et des écrivains de renom ont écrit sur le procès, notamment : Eli Wiesel, Primo Levi, Nathan Alterman ou Haim Gouri. L’événement a suscité une controverse intellectuelle parmi les universitaires en Israël et dans le monde, le plus connu étant le débat sur la couverture journalistique de la philosophe politique Hannah Arendt.

Enfin, le procès a révolutionné le statut et l'importance de Yad Vashem pour avoir été l'institution capable de fournir les bases de recherche à l'équipe préparant le procès. Depuis, Yad Vashem a progressivement acquis sa place en tant que centre national et international de premier plan pour la recherche et la commémoration de la Shoah. Sa collecte de documents et photographies, aux côtés des témoins et des témoignages mis à disposition de l'accusation, lui ont permis d’assurer sa position de centre de ressources le plus complet sur la Shoah.

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